J’ai toujours pensé que la faiblesse des peintres de ce demi siècle, était de trop se limiter à une catégorie de l’espace : la géométrie et ses rapports au repos, ramenant tout sur le même plan, peut-être dû à une projection fatiguée. Pourtant même, quand rien ne manque à une peinture, la succession, le temps, la continuité, le souvenir, n’est plus lu, car l’habitude de la vue, par la nature même de l’œil, affaiblit la mémoire, il faut donc parler/peindre autrement, et passer de la domination de l’œil, la vue physique, à la vue de l’esprit. La projection de diapositives telle que je l’imaginais, me parut dans un premier temps un bon moyen d’y parvenir. Encore fortement imprégné par les questions de la Représentation, je me mis à copier, aux crayons de couleurs, gouaches, mine de plomb, les images de magazines reproduisant des photogrammes, des œuvres d’autres artistes, plus quelques rares autres photographies, puis je photographiai ces dessins, les transformant ainsi en diapositives, pour les projeter ensuite ; il m’arriva quelquefois de dessiner (copier) des photographies prises par moi-même. Ces copies dessinées l’étaient toujours dans un format très réduit (55 x 25 mm), car je n’avais guère de temps à consacrer à cette phase d’activité. Le format de projection resta le même, ce qui me permit, bien que classique, de sous-entendre mon attachement au romantisme, tout en traduisant cette distance maladive qui m’habitait à cette époque, vis à vis de tout. J’avais passé une dizaine d’années à décaper naïvement et de façon artisanale, une à une, les couches de peinture recouvrant le lit de Marcel Duchamp, dix années d’onanisme artistique. Il était grand temps de montrer, et les «Dispositifs audio-visuels», devinrent mes meilleurs ambassadeurs. Volontairement gros d’archaïsme, comme le trait d’union conservé entre audio et visuel, comme aussi, et surtout, l’espèce de procédé de projection photomécanique, fait d’un projecteur de diapositives relié à un lecteur audio, le tout posé sur tabourets, alors que nous étions déjà en plein épanouissement de toutes les nouvelles technologies de la représentation, vidéo, etc., ces «Dispositifs audio-visuels» démontraient mieux qu’une peinture, que le choix de techniques modernes n’engendrait pas obligatoirement la modernité. Quant à la petite image projetée (55 mm de haut sur 25 mm de large, aux proportions d’une porte), mimant la fameuse distance contée plus haut, elle réfutait implicitement le lieu commun imbécile du tableau comme une fenêtre.
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