Devenu grand peintre d'atelier dès 1972, d'une manière singulière mais efficace, grâce à mes Transcriptions en achetant des puzzles de peintures célèbres, que je montais pièce par pièce comme le ferait tout amateur de puzzle, pour les présenter comme peinture originale, puisque faite main, dans les galeries, musées, et autres lieux spécialisés puis plus tard peintre sur le motif, en peignant sur le vif, me fallait, dès lors, devenir grand écrivain. Je m'y étais essayé en 1968, avec les Copies Chroniques, au titre prémonitoire, mais 1985 marque le vrai début des copies avec celle manuscrite de «L'Education sentimentale» de Gustave Flaubert, copie intégrale d'après la version de la Bibliothèque de la Pléiade, commencée le 17 mai 1985 (lendemain du jour anniversaire où Flaubert venait d'achever son manuscrit, le 16 mai 1869), et présentée à la Bibliothèque Nationale à Paris, le 18 novembre 1985 (lendemain du jour anniversaire de la publication de l'édition originale, le 17 novembre 1869). Cette copie dura donc le temps que mit l'œuvre de Flaubert pour passer de l'état de manuscrit à celui de livre. Cette présentation s'accompagnait de dessins et de son. Cette première expérience faite, j'étais curieux de voir ce qu'allait donner la même copie mais d'après une version en livre de poche, cependant cela m'ennuyait de recopier immédiatement L'Education sentimentale, ainsi débuta en 1986, la copie des «Lettres Persanes» de Montesquieu, d'après une version poche, copie restée inachevée. Ce fut alors le tour des «Chants de Maldoror» de Lautréamont. Puis en 1995 j'entrepris la copie de «Fragments d'un discours amoureux» de Roland Barthes sous forme de lettres d'amour envoyées jour après jour, du 4 février au 24 avril 1995 à Claire Chazal, présentatrice du journal télévisé sur TF1, une des chaînes télévisuelles françaises ; 1995 marquait le dixième anniversaire de la mort de Roland Barthes et celui de la première copie de G. C-T.
Depuis toujours, l'écriture quotidienne d'un journal me manquait cruellement, aucune tentative jamais n'avait abouti, j'allais avoir cinquante ans, il était temps de passer à l'acte. Le 4 juin 1996, jour de mon anniversaire, je m'attaquai à la copie manuscrite des 16 900 pages du «Journal Intime» d'Amiel, tâche gigantesque, impossible à achever, car il me faudrait vivre encore une cinquantaine d'années pour la terminer. Cette copie débuta dans mon atelier permanent au Musée d'art moderne et contemporain de Genève (Mamco), où est visible en permanence, le dernier cahier rempli.
Il ne faut pas croire que ces travaux, tant les Copies que les Transcriptions se font par plaisir ; si je copiais un Journal uniquement dans ce but, j'en choisirais un certainement plus littéraire, comme celui de Léautaud, de Gide, Musil, ou encore de Green, je m'astreins à cette discipline quotidienne m'obligeant à employer mon temps le donner ou perdre à un travail totalement, pour certains, inutile, voire ridicule, en tout cas à «rien de remarquable», comme le prétendait encore Amiel à propos de son journal (20 août 1849).
Fin 1996, j'ai commencé la copie de quelques écrits de Malevitch, pour en faire des carrés noirs sur fond blanc, ou des carrés blancs sur fond blanc, suivant l'encre ou le papier employés, réécrivant sans cesse sur les mêmes endroits, puis la courte copie : "Le peintre est un olfactif..." de Marcel Duchamp, mais 1997 fut surtout marqué par le début de la copie, à la main droite (les autres copies étant faites jusqu'à ce jour, de la main gauche), de la «Doublure» de Raymond Roussel.
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